©Louis Robein
Atteindre la ligne de départ est souvent la phase la plus difficile d’un projet. Louis Robein, le skipper français engagé dans la Global Solo Challenge, n’échappe pas à cette règle. Ancien figariste et navigateur solitaire aguerri, Robein avait méticuleusement préparé son bateau ‘Le souffle de la mer III’. Chaque étape du projet avait été soigneusement anticipée ; il avait par exemple déjà achevé sa qualification de 2000 miles en solitaire à la fin d’avril 2022. Mais en mer, les aléas font partie du quotidien.
Pour rejoindre La Corogne en avance et partager le voyage avec des amis ainsi qu’avec des élèves voileurs de l’UNADEV, l’Union Nationale des Aveugles et Déficients Visuels, Louis avait quitté Marina di Cogolin, dans le golfe de Saint-Tropez où il est basé, à la mi-août.
Lors de son convoyage vers La Corogne, le moteur de son X-37 ‘Le souffle de la mer III’ a commencé à montrer des signes de surchauffe qui ne semblaient pas liés au circuit de refroidissement. Après un premier arrêt à Carthagène et une réparation de fortune, Louis est arrivé à Faro, au Portugal, pour tenter de résoudre définitivement le problème. L’intervention d’un mécanicien a clarifié la nature du souci, identifié dans le circuit des bougies de préchauffage qui restaient activées même après le démarrage du moteur. La surchauffe du moteur avait causé divers dommages et nécessitait le remplacement du circuit des bougies de préchauffage ainsi que du joint principal de la culasse du moteur.

Après une attente vaine de plus d’une semaine, les composants nécessaires à la réparation du moteur n’étaient toujours pas arrivés à Faro. En coordination avec l’organisation de la Global Solo Challenge, Robein a évalué les options qui s’offraient à lui.
Le distributeur Yanmar en Galice s’est proposé de fournir les pièces manquantes pour la réparation le plus rapidement possible. Robein a donc décidé de reprendre la mer dans la nuit du 18 au 19 septembre, en direction de La Corogne. Louis doit naviguer uniquement à la voile sur une distance de 500 milles, et le convoyage durera environ quatre jours. Heureusement, à partir du mercredi 20 septembre, Robein a rencontré des vents portants au nord de Lisbonne, qui l’aident dans le convoyage de son X-37, Le Souffle de la Mer III. Son arrivée à Marina Coruña est prévue entre vendredi et samedi.
Dans la nuit du 20 au 21 septembre, une coïncidence sympathique s’est produite : à environ 1h45 heure locale, Louis, proue vers le nord, a croisé, au nord de Lisbonne, à sept milles et demi plus à l’est Édouard De Keyser qui se dirige vers le sud. C’est la première fois dans l’histoire de la Global Solo Challenge qu’un concurrent en convoyage en croise un autre en course. Cela sera sûrement un bon présage pour motiver Louis à suivre prochainement la voie tracée par les deux premiers participants.
Entre-temps, nous espérons que les composants manquants arriveront au plus vite et que les travaux prévus sur le moteur pourront être achevés rapidement. En raison de ces problèmes techniques, Robein est contraint de reporter son départ, initialement prévu pour le 23 septembre. De plus, une fois arrivé à La Corogne, Louis devra également compléter tous les contrôles de sécurité et administratifs avant d’obtenir le feu vert pour partir. Le skipper français fait face à ces circonstances avec sa ténacité habituelle, sans se laisser décourager par les difficultés rencontrées.
Ses amis et proches ont déjà formulé leurs vœux de bon vent et envoyé des messages d’encouragement au navigateur. Nous vous proposons ci-dessous le témoignage émouvant d’Éric Schmitt, un ami intime de Robein désormais installé au Brésil. Ces deux hommes partagent une amitié vieille de plus de quarante ans. Grâce aux paroles et aux splendides photos d’archives fournies par Éric, nous pouvons plonger dans l’histoire captivante de ce grand navigateur français qui reste d’une admirable modestie.

“ Je connais Louis Robein depuis la fin des années 70 lorsque nous étions actifs au sein de l’Association Nationale des Clubs Aérospatiaux, comme membres de clubs de construction de fusées expérimentales scientifiques, puis animateurs de l’organisation des campagnes de lancements. Une amitié qui est toujours aussi intense malgré les années sans se voir. A partir de 1984, il m’a proposé de faire quelques navigations en Bretagne, en Méditerranée, vers l’Irlande et vers la Corse sur des voiliers de location. Croisières émaillées de souvenirs marquants comme assister aux essais du Grand prix de F1 depuis la rade de Monaco, grimpé au sommet du mat ou un réveillon, perdus dans les brouillards glacés du Golfe du Morbihan. En 1991, il m’a embarqué dans la Transat des Alizés de La Ciotat à Pointe à Pitre. Plus tard, avec un autre ami commun, nous l’avons suivi en 1995 pendant deux étapes de la Solitaire du Figaro, avec un non voyant à bord. ”

” Louis a toujours été très intéressé à partager sur l’eau sa passion pour la voile avec toutes et tous, nous entrainant dans des aventures inoubliables et formatrices. Son engagement pour permettre aux non et mal voyants de profiter des plaisirs de la navigation est admirable et montre une générosité à toute épreuve. Il n’est pas un grand communiquant mais son manque d’affichage dans les médias sociaux cache un cœur d’or et un sens marin très affuté. Il mériterait beaucoup plus de soutiens que ceux qu’il a pu réunir pendant sa campagne. Lors de ses huit participations à la Solitaire du Figaro, il faisait l’admiration de tous les skippers grâce à sa ténacité et à sa persévérance malgré l’absence presque totale de supports financiers. Ce léger retard dans son départ n’est qu’un petit contretemps, une autre difficulté sur sa route que Louis surmontera avec beaucoup de courage. “
